White by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Publié: 2013-06-11T02:33:19+00:00

III

Si le noir est l’absence de couleurs, la toile de fond entre les étoiles, le truc tendu dans la soupente de l’univers – le blanc est la fusion du rien. Toutes les couleurs s’y mélangent jusqu’à l’annulation du prisme. Les pensées, réverbérées, nous les entendons de loin – comme si nous les voyions de loin, Peter et Edmée, leurs échos nous parviennent avec un temps de retard… depuis ce matin qui s’éternise, comme s’ils s’éloignaient… On sait bien que c’est faux, que ça n’existe pas, mirages, troupeaux, rêves, vagues de la mer, forêts. Mais l’on voit ensuite se balancer les cimes vertes, et certains même l’affirment : on sent l’odeur puissante de la terre habitable.

*

Une autoroute urbaine passe sous les fenêtres de la cuisine d’Edmée. Edmée voit la fenêtre et elle se voit aussi, dans son peignoir offert par Samuel ; elle se voit de dos et de profil à la fois, à la fois dans et hors d’elle, c’est le point de vue des rêves, des fantômes et parfois des souvenirs. Sa propre expression lui échappe. Elle voudrait regarder par la fenêtre, mais il y a cette autoroute. Elle n’avait jamais pris conscience qu’elle était là, si proche, tellement proche que c’est collée à la vitre qu’elle passe maintenant, l’armature de béton et les roues des camions vibrent contre l’appui, à se faire happer la tête. Heureusement, la vue de la chambre n’a pas changé, la fontaine carrée est toujours là, tranquille et bleue. Edmée descend dans la fontaine, son peignoir s’alourdit. Les cahiers des enfants Higgins sont répandus à la surface. D’un effort de sa volonté, elle les rassemble pour les mettre à sécher. L’eau est délicieusement tiède, un peu plus fraîche dans les profondeurs. La pression augmente. À mesure qu’Edmée s’enfonce, son peignoir l’enserre, elle a du mal à respirer et ses tempes bourdonnent. C’est l’effet du manque d’oxygène, disent les glaciologues penchés sur elle. Avec beaucoup de précautions ils vont tenter une trachéotomie, il est impératif qu’elle ne bouge pas. Elle est sanglée sur une table et ils introduisent dans sa gorge un long tube de métal blanc. C’est recouverte de la dépouille d’un poney qu’Imelda Higgins assiste impassible à la scène.

*

Très tard le soir ou très tôt le matin, quand tous dorment, il peut prendre ses aises, avoir le lavabo pour lui seul ; barbe noire, très noire, les narines, soulève, d’un côté, l’autre, comme faisait Monsieur Gudmundsson. Cernes, dort très mal ici, cheveux ébouriffés, électricité statique à des doses jamais éprouvées – tout objet métallique saisi vous secoue jusqu’à l’épaule, zooooon, champs électriques palpables. Il a maigri, peut-être. Se tourne de profil, essaie de se saisir en 3D, avec ces pensées-là dans cette boîte crânienne. Ou flottant autour de lui comme une atmosphère. À droite… à gauche… Ces idées-là, les idées qui flottent ici, par contamination, passent de tête en tête, tout le monde à moitié zinzin… C’est le vide, la compagnie perpétuelle des mêmes, et ce soleil en ronde, œil toujours ouvert, et

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